Livre
Un peu de lectures

Un océan, deux mers, trois continents – Wilfried N’SONDÉ

Ami.e.s virtuel.les, bonjour !

Il y a quelques jours, je terminais un roman qui m’a énormément plu. Un océan, deux mers, trois continents de Wilfried N’Sondé m’a transportée. Le récit met en scène le destin réel de Nsaku Ne Vunda, un prêtre congolais du XVIIème siècle, mandaté par le roi du Kongo, Alphonso II, pour être ambassadeur auprès du pape Clément VII et contraint de traverser l’Atlantique à bord d’un négrier pour rejoindre Rome. Témoin impuissant des épreuves traversées par les esclaves, depuis leur embarquement jusqu’à leur arrivée au Brésil, il n’aura de cesse de porter en lui l’espérance de faire changer les choses et de mettre fin à ce trafic inhumain.

En lieu et place d’un résumé, il m’a semblé plus intéressant de comprendre pourquoi cette lecture m’avait autant plue.

  • Un roman historique : avis à tous les passionnés d’histoire, ce récit a tout pour vous plaire ! J’ai toujours pensé que les histoires nous aidaient à apprendre et comprendre l’Histoire. Ici, c’est la mise en place des conditions de l’esclavagisation des populations noires subsahariennes qui est mis en lumière. L’auteur, à travers des encarts en italique, donne des informations très précises sur le contexte historique du commerce triangulaire. A travers l’histoire, nous voyons se dessiner les mécanismes et les processus qui y ont présidé et comprenons que ce commerce n’aurait jamais pu voir le jour si la vie humaine en tant que telle, avait eu la même valeur qu’aujourd’hui. Ce roman nous pousse à aller interroger le statut des serfs d’Europe mais aussi les traites intra-africaines qui préexistaient à la traite atlantique.
  • Un roman engagé : à travers les différentes figures et les différents personnages que rencontre Nsaku Ne Vunda, c’est la servitude qui est dénoncée. La servitude des populations réduite à l’état d’esclavage, la servitude des équipages, la servitude des femmes…Les scènes sont dures. Le narrateur ne nous épargne rien et la centaine de pages sur Le Vent Paraclet a été éprouvante : viols à répétition, passages par-dessus bord, il faut avoir le coeur sacrément accroché. Et pourtant, il s’agit d’un récit profondément humaniste, qui porte la défense de la vie humaine en son coeur.
  • La poésie de la langue : « La larme au coeur, je regardais le ballet des silhouettes traumatisées, en route vers un avenir incertain dans un monde inédit dont ils ignoraient tout ». Voilà. Bon ben, je crois que c’est démontré.
  • Une belle histoire d’amitié : sur le bateau qui les mène au Brésil, Nsaku se lit avec un mousse, Martin. Nsaku trouve auprès de ce mousse le réconfort de sa culpabilité d’être du bon côté du pont, conscient de ne devoir son salut qu’à la protection du roi du Kongo. Martin trouve auprès de lui des heures de calme à l’écart de la rudesse du reste de l’équipage. Ils cheminent ensemble, mus par le même engagement, la même soif d’équité et de justice.
  • Une odyssée : si le but du voyage n’est pas le retour chez soi, il y a quelque chose d’Ulyssien chez Nsaku. Il ne dévie pas de sa mission. Porter un message de paix au pape. Peu importe les épreuves qu’il traverse, les bassesses dont il est témoin, il garde la foi et la confiance dans sa mission, sur « un océan, deux mers et trois continents« .

Je ne veux pas dire que c’est une lecture « nécessaire », parce que je n’aime pas ce mot. En revanche, si vous souhaitez découvrir un auteur-conteur, qui sait manier la langue au service d’une intrigue palpitante, alors il faut impérativement vous le procurer. J’espère que vous y apprendrez autant que j’y ai appris. A très bientôt, si le coeur vous en dit, et d’ici là, bonnes lectures.

Constance

« Je plane au-dessus des vallées éternelles, là où, bercées par le souffle du Saint-Esprit, veillent les ancêtres défunts, là où tout sentiment violent se transforme en douceur, là où la souffrance se convertit en compassion, quand le relief des contingences humaines s’érode et enfante la justice, la sagesse et le pardon. »

Mention coup de coeur (un proche m’a fait remarquer que l’on ne savait pas trop comment savoir si je recommandais ou pas une lecture, plutôt qu’attribuer des notes, je mettrais désormais une mention).

Vade-mecum du voyageur livresque

  • Un océan, deux mers, trois continents, Wilfried N’SONDÉ
  • Édition originale, Actes Sud ; édition de poche, Babel
  • 272 pages, 7,80 euros
  • A lire si vous aimez les voyages dans l’espace et dans le temps
  • A éviter…non, ne l’évitez pas s’il croise votre chemin, à moins que vous ne soyez particulièrement sensible au mal de mer et à la méchanceté humaine, vous parviendrez au bout du voyage, essouflés, retournés mais plus humains
  • Où l’emporter en voyage ? Sur un océan, deux mers et trois continents.

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