Un peu de lectures

Et soudain, la liberté – Evelyne Pisier et Caroline Laurent

8 mars. Journée de la femme. Malheureusement, nous avons besoin d’une journée pour rappeler que nous sommes une minorité aussi majoritaire que l’autre moitié de l’humanité. Heureusement, cela me donne l’occasion de vous parler d’une de mes lectures 2018. Parce que ce récit parle des femmes, parle de ce qui les entrave, les ont entravé. Parce que le moment est venu, « TIME IS UP ».

Et soudain, la liberté retrace le parcours de Mona, l’avatar romanesque de la mère de l’une de ses auteures, Evelyne Pisier. Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas Evelyne Pisier (je faisais partie du lot avant de lire le roman), elle est une figure du droit public français. Sacrée figure puisqu’Evelyne est devenue professeure de droit à l’université Paris 1 – Panthéon Sorbonne. Elle fut de surcroît écrivaine et politologue. Ce destin déjà hors du commun est lié de très près à celui de Mona.

Nous rencontrons ce personnage figé dans un carcan de femme éprise et soumise à un mari dominateur et violent. Petit à petit, parfois brutalement, le personnage de Mona rompt avec cette trajectoire pour embrasser le voile léger de l’indépendance, de la liberté. Corollaire de cette métamorphose, le contexte historique de la narration correspond à la période de décolonisation française en Indochine. De ce point de vue, j’y ai retrouvé les échos lointains de L’Amant de Marguerite Duras – ce qui n’était pas pour me déplaire.

La lectrice, le lecteur, ne peuvent être qu’admiratifs du courage et de la ténacité de cette femme qui a osé divorcer à l’heure où personne ne divorçait, et encore moins une femme, qui a choisi la voie de la difficulté mais qui a réussi à affirmer sa voie et sa voix. Rien ne sera épargné à Mona, depuis les camps japonais de la seconde guerre mondiale aux pressions subies par les institutions. Son parcours traduit une très grande force : c’est en premier lieu ce que j’ai aimé et souhaité retenir du récit.

Au début, je sentais Mona résignée, fleur bleue, un peu bébête, j’aurais aimé la violenter si je l’avais tenue entre mes mains. Ce côté exaspérant de la résignation, de l’excuse. Et puis, et puis je me suis sentie toute petite. Les chapitres défilaient devant moi et se sculptait au fil des pages une statue de Femme épanouie, non parce que Femme mais parce qu’humaine, finalement.

Si seulement, Et soudain, la liberté s’arrêtait là ! Au cours de la rédaction de ce roman, Evelyne Pisier est décédée et a confié la responsabilité de sa publication à son amie et éditrice, Caroline Laurent. A la trame principale se tisse la chaîne du deuil et du travail d’un texte devenu orphelin. Nous sommes invités à passer dans les coulisses du texte littéraire. Caroline Laurent nous livre en toute transparence sa douleur et ses interrogations. Le dosage est savamment exécuté : jamais le récit ne vire au pathos, tout au contraire, à la façon d’un sablier que l’on retournerait, les instants de légèreté d’une des deux narrations succèdent aux instants les plus graves. Cela nous permet de faire une pause, pour reprendre plus tard le cours de l’histoire.

Et soudain, la liberté prend un autre sens. Comment a-t-on le courage de s’affirmer comme soi ? Avec nos propres désirs ? Il y a tant de barbelés invisibles qui emprisonnent l’esprit des femmes. Ce besoin de légitimité. Ce sentiment de jamais assez bien. De prouver. Et notre soif d’assurance n’est jamais tarie. Et soudain, la liberté appartient aux ouvrages qui m’inspirent. Ils me disent que lorsque l’on trouve ce qui est important pour nous, nous avons le devoir de ne pas le lâcher, le devoir d’en faire une réalité, sous peine de voir notre liberté réduite à une cage à serin.

« Le temps, uni à la volonté, se révélait un allié fabuleux. « Mais pour que ça marche, il faut arriver le premier. Et premier en tout : à l’école, aux examens, aux rendez-vous. » » – Et soudain, la liberté

Pour être honnête, je ne saurais distinguer textuellement qui d’Evelyne ou de Caroline a rédigé les phrases qui constituent la narration mettant en scène Mona. C’est un quatre mains brillamment réussi. Il n’est pas étonnant que ce roman ait remporté la deuxième place sur le podium du Grand prix des blogueurs littéraires (lancé, organisé et réalisé par une super woman aussi, Agathe the Book). C’est d’ailleurs à cette occasion que je l’ai découvert.

Et vous, avez-vous lu Et soudain la liberté ? Quels sont les personnages de femmes qui vous ont marqué ? quels sont les femmes qui vous inspirent ? les écrivaines ? les artistes ? les scientifiques ? Dites-le moi en commentaire.

Et soudain, la liberté, 448p., Editions Les Escales 

 

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